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Depuis mon premier voyage au Sri Lanka en 2012 j’adore me rendre à Haputale pour me balader dans les superbes paysages des plantations de thé. Haputale est un village dont l'ambiance est digne du farwest, c'est dans un bordel relativement bien organisé que se fait la vie locale.
Ici, vivent des cinghalais et des tamouls en toute simplicité. On trouve dans le centre du village ou dans ses environs un kovil (temple hindou), un monastère chrétien, une mosquée et un temple bouddhiste. Difficile de faire plus éclectique !
Mais c'est surtout pour les paysages formés par les plantations de thé que le village est connu, je les préfère à ceux que l'on peut observer à Nuwara Eliya ou à Ella. La radonnée depuis le Lipton's seat jusqu'à l'usine de thé de Dambatenne est à vivre au moins une fois, n'hésite pas à l'intégrer à ton itinéraire.
Haputale en vidéo pour te faire une idée des lieux
Première rencontre avec la famille en 2015
Les cueilleuses de thé font partie du paysage dans cette région de l'île. On les voit au loin travailler péniblement des heures durant, cueillir à la main les précieuses feuilles nécessaires à la confection du thé. Ce que l'on sait moins, c'est que leur groupe ethnique est souvent dénigré. Eux qui sont originaires d'Inde et qui ont été envoyés ici par les britanniques au siècle dernier ont toujours eu cette image négative collée à la peau : Des étrangers qui sont une main d'œuvre pas chère...
Que ce soit dans les plantations ou dans les villages où les cueilleuses habitent, leurs familles et elles sont toujours sous la surveillance des kankanis. Ce sont des contremaîtres peu scrupuleux, des espèces de sheriffs qui s'imaginent tous puissants. La pression qu'ils exercent sur les cueilleuses est omniprésente, rendant les rencontres difficiles.
En 2015 avec mon ami photographe Philippe Cap nous avions rencontré Krishnakumar, une cueilleuse de thé qui nous avait ouvert les portes de chez elle. Tels des invités d’honneur, nous avions eu le privilège de partager quelques instants sur plusieurs journées avec sa famille.
Nous fixions rendez-vous pour le lendemain matin avant qu'elle ne parte travailler. Le temps qu’elle se change et prenne sa toilette, je dégustais mon café soluble (merci ces petits sticks) matinal… Il faut l'avouer, elle faisait meilleure impression en sari qu’en robe de chambre ! Histoire de lui éviter des ennuis avec les kankanis, nous évitions de la suivre jusqu’à la plantation. Nous l'accompagnions sur le chemin et la retrouvions après son travail histoire d'en savoir plus sur la vie de ces cueilleuses de thé que l'on aime tant observer lors d'un voyage au Sri Lanka.
C’est avec des liens puissants que nous nous étions quittés, je leurs avais fait la promesse d’y retourner. J’étais parti avec des souvenirs émouvants, une profonde sensation d’authenticité, d’avoir vécu quelque chose de réel loin des clichés… Tout simplement la vie, et que c’était bon !
Des retrouvailles émouvantes en 2017
C’est 2 ans plus tard en 2017 que j’étais retourné au village perdu dans les collines couvertes de thé. N’ayant pas eu assez de temps pour leur rendre visite lors de mon voyage de 2016, j’étais ultra-motivé pour retrouver toute la petite famille.
Avec des photos soigneusement imprimées pour les donner à la famille, j’étais allé jusqu’au village en fin d’après-midi. Hésitant entre quelques maisons, j’avais tenté ma chance. Avec un vanakkam (bonjour en tamoul) et en montrant la photo, une femme me dit not here (pas là en anglais). En frappant à la maison voisine le résultat était le même : On m'indiquait que Krishnakumar n’était pas là.
On me montra la maison d’en face, et les souvenirs revinrent de suite. C’était bien cette maison, juste là devant moi. Quelques secondes après avoir frappé, on m’ouvrit la porte et… Magie d’un univers improbable, les enfants étaient là et m’accueillirent avec un immense sourire ! Aucun doute sur le fait qu’ils m’avaient reconnu.
En demandant où est leur mère, j’avais compris rapidement qu’elle était décédée. Les émotions étaient vites montées, je m’étais retrouvé face à son mari qui pleurait de sincérité en me voyant… Les enfants avaient tous pris quelques centimètres, leurs yeux pétillaient toujours autant, sans parler de leur sourire…
La vidéo de ces retrouvailles
En 2018 me vient une idée
Il m'a été impossible d'oublier. Oublier la gentillesse de Krishnakumar qui avait partagé son quotidien avec nous malgré les risques qu'elle prenait, oublier les larmes de son mari lors de nos retrouvailles de 2017, et oublier ces enfants qui ne demandaient qu'à rire.
Depuis, je m'étais fait la promesse de les aider, de les parrainer à ma manière. Sans garantir quoi que ce soit, je me suis dit que la distribution de photos était sympa mais qu'elle n'était pas d'une grande utilité au quotidien. Oui, ces photos sont importantes. Elles sont symboliques et leurs ont permis d'avoir des photos de leur maman disparue. Mais je voulais faire plus que ça, leur montrer que je tiens réellement à eux.
En leur rendant une nouvelle fois visite en 2018, je leur ai proposé de passer avec les voir avec des petits groupes de voyageurs que j'accompagne. Le but : Collecter à l'avance des affaires scolaires et des vêtements pour leur offrir lors de mes passages. Ils m'ont remercié de cette pensée pour eux sans trop y croire, tout en doutant pas de ma sincérité.
Les voyageurs parrains, la concrétisation du projet
Dans les séjours que j’accompagne nous passons rendre visite à la famille, c’est l’occasion pour mes voyageurs de découvrir la vie au cœur des plantations de thé et pour moi de prendre des nouvelles de la famille. Pour les aider il n’y a rien de très compliqué. Des vêtements pour tous, affaires scolaires, anciens téléphones, maquillage et parfum pour les femmes… Chacun remplit sa valise au maximum de ce qu'il peut, tout est soigneusement stocké dans notre véhicule jusqu'au jour où nous arrivons à Haputale.
En fin de journée, nous leurs rendons visite et chacun offre les diverses objets qui ont voyagé sur plus de 8000 km pour arriver jusque là. C'est un peu l'anniversaire de tout le monde ce jour là, aucun membre de la famille n'est oublié.
Cette maison et ses habitants sont un de mes "secrets" que je garde soigneusement. Je le partage avec toi aujourd'hui pour plusieurs raisons : Les rencontres en voyage, quand elles sont sincères, sont les plus belles expériences à vivre. Garder le lien est toujours compliqué quand des milliers de km nous séparent, mais avec quelques efforts tout est possible. Mon agence de voyage locale est basée sur ces valeurs, la richesse humaine avant tout... Pour toutes ces raisons, seuls les petits groupes que j'accompagne ont la possibilité de les rencontrer. Je ne veux ni mettre en danger la famille par jalousie des voisins ou du kankani, ni qu'ils s'imaginent que ces "cadeaux venus du ciel" seront de plus en plus fréquents. Deux fois par an, c'est bien. Plus, ça n'aurait pas le même charme.
La vie continue, la famille s'agrandit !
Un beau jour de 2019, quelle belle surprise de découvrir qu'un nouveau né venait de montrer le bout de son nez. Nous avons fait la connaissance de Dipika, tout juste 8 jours qu’elle est arrivée au monde ! Tu ne peux t'imaginer à quel point ils étaient fiers de me la présenter, et l'inverse aussi : J'étais tellement heureux de faire sa connaissance !
La petite était si belle, ses parents étaient si heureux... C'est à cet instant que tout a pris sens dans ma tête, un peu comme une piqure de rappel de la vie. Quoi qu'il arrive, le monde continuera de tourner et ce que nous construisons aujourd'hui sera demain l'héritage de nos enfants.
En hommage aux disparus, pour l'avenir des enfants
Aujourd'hui, ça fait plus de 11 ans que je vais régulièrement à Haputale et plus de 8 ans que je connais cette famille. Jamais je n'aurais imaginé tisser une amitié si profonde avec des gens qui ont un quotidien à des années lumières du mien. En 2015, j'étais loin de m'imaginer quelle serait la suite des évènements. La probabilité que je revienne sur place, que j'arrête mon activité de blogueur voyage sur jaimelemonde.fr, que je me lance dans un projet d'agence de voyage au Sri Lanka... L'alignement des planètes a été parfait pour qu'eux et moi ne nous perdions pas de vue.
Krishnakumar, de là où tu es, tu sais que j'ai souvent une pensée pour toi. J'espère être la hauteur de l'accueil que tu m'as offert, et au fond de moi je me dis que tu le savais. Tu le savais que je n'abandonnerai pas les tiens. Dipika, ta petite fille, grandit vite et a des yeux magnifiques.
Merci à tous les voyageurs qui m'ont soutenu dans ce projet ♥♥♥
Ceux qui sont venus avec moi te le confirmerons, on ne ressort pas indemne d’une telle rencontre. Leur simplicité, leur accueil si chaleureux, la manière dont ils partagent le peu qu’ils possèdent… C’est une leçon de vie que l’on reçoit, ici le partage n’est pas une vertu mais une nécessité !
Tu l’auras compris, les voyages que j’organise ont une forte dimension humaine. Notre objectif à Raja (mon associé) et moi est de te faire vivre le Sri Lanka de l’intérieur. Sans tabou. Nous n’avons rien à te cacher, bien au contraire nous essayons de te montrer l’envers du décor… Rares sont les agences qui te proposeront ce genre de rencontre !
Pour terminer cet article, voici quelques photos des voyageuses qui ont participé au stage photo avec Aurélie Amiot - Madame Oreille - pour lequel je me suis occupé de l'organisation. Je les ai accompagné pendant deux semaines dans le but de partager avec elle cette île qui est devenue ma deuxième maison...
